Pierre Arditi, le fils du peintre…

Pierre Arditi, le fils du peintre…

  Pierre Arditi, le fils du peintre…

Parfois on se pose la question fondamentale de l’inné et de l’acquis, on s’interroge sur ce qui motive une vocation, incline les choix d’une existence, façonne une filiation. S’il est des cas qui restent incompréhensibles, au point que certains parents ont le sentiment d’avoir engendré des êtres venus d’une autre planète, parfois pour ne pas dire souvent, la pomme ne tombe pas loin du pommier comme on dit.

Quand on mesure avec quelle aisance, Pierre Arditi pratique son métier d’acteur, avec quel brio il parcourt les chemins arides qu’exige la discipline théâtrale, nous sommes presque soulagés de constater qu’il y a une origine logique à son talent, son père peintre : Georges Arditi. Pourtant, même si ceci n’explique pas toujours cela, il est incontestable que son exemple, entre tableaux et décors de théâtre, a teinté de manière indélébile l’enfance du fils.

 

Françoise Bongard. : A votre avis, en quoi le métier de votre père a-t-il influencé le vôtre et quels sont les souvenirs que vous gardez de votre enfance en sa compagnie ?

Pierre Arditi : Mon père, comme beaucoup d’artistes dans les années 1950, pratiquait sa peinture, mais concevait, parallèlement des décors de théâtre. J’ai donc été très tôt confronté à cette vie artistique qui, à cette époque, était foisonIl a créé des liens avec des personnalités marquantes. Des peintres, des sculpteurs, musiciens, tout cela était très mélangé. Nous avons donc, ma sœur et moi, été très vite plongés dans cet univers de la peinture mais aussi du spectacle.

F. : Vous avez donc toujours connu cette atmosphère artistique…

P.A. : Nous étions petits. À cette époque, mon père peignait de manière figurative, mais ce qui nous intriguait, c’est qu’il y avait toujours dans ces toiles, des portes et des fenêtres, dans des maisons ou des appartements, qui ouvraient sur des paysages imaginaires…

F. : La peinture de votre père possède cette dimension poétique, fondatrice de son univers, qui signe sa particularité…

P.A. : Oui. J’ai appris ainsi à m’échapper de ce qui pouvait constituer un carcan, très jeune déjà, grâce à ses œuvres, je m’évadais dans ma tête par ces portes et ces fenêtres…

F. : Pouviez-vous accéder à son atelier, participer à son travail ?

P.A. : On ne pouvait pas l’approcher de trop près. On regardait, il nous parlait, il nous racontait des choses concernant ses peintures, mais nous n’avions pas l’autorisation de toucher ! Plus tard d’ailleurs, quand mon fils est venu au monde, cela m’a, à la fois amusé et fait bondir de constater que lui avait obtenu le droit de repeindre sur les toiles !

F. : Vous avez donc été plongé dans une atmosphère de créativité permanente…

P.A. : C’était l’atmosphère d’une existence d’artiste, les choses n’étaient pas conformes, les gens rentraient, sortaient, venaient dîner, restaient dormir quelques fois…La maison était une grande roulotte ! On ne nous envoyait pas nous coucher à 8h sous prétexte que l’on avait école le lendemain, nous étions totalement mêlés à cette vie-là…

F. : Sur le plan de sa carrière, votre père à accédé rapidement à une certaine notoriété ?

P.A. : La peinture figurative qu’il a pratiquée pendant les années quarante jusqu’à la fin des années 50, où il a basculé dans le cubisme, se vendait plutôt bien. Il avait une clientèle bourgeoise, mais comme il se comportait en ours et en franc-tireur, dès qu’il se sentait tomber sous l’emprise de riches collectionneurs, il se lançait des défis, tentaient d’autres recherches picturales. Quand on suit le parcours de sa peinture, elle apparaît extraordinairement diversifiée. Si parfois elle se rapproche de celle de  Georges De La Tour ou Balthus dans sa période figurative, il rejoint Meissonier quand il aborde le cubisme. Il a donc évolué au sein de sa propre peinture, ce qui souligne une intense créativité.

F. : Votre père a donc eu cette volonté de ne pas s’enfermer dans un carcan, de se tenir éloigné des influences de la mode, de ne pas succomber à la séduction du succès en cherchant perpétuellement une prise de risque personnelle.

P.A. : Il s’est beaucoup diversifié. Il a par exemple fait des illustrations pour des livres, des bandes dessinées dans des journaux tout en restant tout le temps attaché à son activité de peintre.

F. : Votre père a donc été un exemple, à la fois de liberté et d’intégrité dans ses rapports avec son métier.

P.A. : Oui, totalement, mais par moments, et je le dis avec recul, admiration et tendresse, il s’est quand même ingénié à « casser » des œuvres auxquelles il tenait motivé par le désir de ne pas conserver des toiles qui pouvaient l’enfermer dans un certain confort artistique, et c’est pour cette raison, à, mon sens, qu’il n’a pas la place qu’il mérite aujourd’hui. Mon père a toujours eu peur de tomber dans une routine, de travailler afin de vendre sa production à ces fameux bourgeois collectionneurs…

F. : Tout au long de votre vie vous êtes sans cesse rester en contact avec le milieu de l’art, mais quels ont été vos premières émotions artistique en dehors de votre père ?

P.A. : C’est mon père qui m’a avant tout initié à l’art. J’ai ensuite découvert d’autres artistes, apprécier le quattrocento, les primitifs flamands, certains impressionnistes, Picasso bien, sûr, Matisse. J’ai fait ainsi mon propre chemin. Quand j’ai un peu de temps, j’aime visiter les galeries ; je fréquente moins les grandes expositions. Je pense que c’est dans les galeries que l’on découvre vraiment la peinture, les salons exposent les artistes consacrés.

F. : Vous avez envie d’être séduit, surpris ?

P.A. : Pour connaître les jeunes peintres, et parfois redécouvrir les moins jeunes, parcourir les galeries semble être la meilleure attitude. C’est ainsi que j’ai eu un coup de cœur pour un peintre américain Robert Guinan. Auparavant j’avais été touché par Rothko, Bacon, et ma dernière émotion va à Anselm Kiefer, pour ses structures mais surtout pour sa peinture…

F. : Vous gardez cette ouverture d’esprit qui permet d’accéder à des surprises et qui préserve la capacité d’être ému ?

P.A. : Oui, mais je peux aussi me démarquer du « goût » ambiant, je ne suis pas un suiveur, certaines choses m’indifférent profondément, comme Jeff Koons par exemple. Son chien rose dans les jardins de Versailles ne me touche pas le moins du monde ! Cela ne me dérange pas, mais je peux contester ce travail qui pour moi est plutôt de l’ordre du gadget !

F. : Vous avez intégré la valeur d’un parcours artistique et vous contemplez le monde de l’art avec un regard lucideF. P.A. : L’art épouse ma vie et j’avance dans l’existence en étant prêt à recevoir un certain nombre de choses et à en refuser d’autres en fonction du fait qu’elles ne me touchent pas, tout simplement.

F. : Ce regard agit d’ailleurs sur votre vie d’acteur ; vous êtes amené à faire des choix…

P.A. : Oui, mais pas uniquement. Il y a certaines orientations que je prends parce que je ne peux m’en passer et d’autres qui sont motivées par la nécessité de gagner ma vie, même si je le fais le plus honnêtement du monde. Je sais que ces choix ne révolutionneront pas l’univers du spectacle et que j’aurais pu faire autrement si ma vie matérielle m’en avait laissé la possibilité. Une carrière d’acteur ne peut pas comporter que des chefs-d’œuvre ! Je me partage entre des choix agréables, mais sans plus et d’autres plus ambitieux, plus délicats, que je ne peux pas toujours m’offrir…

F. :  Mais tout cela fait une œuvre…

P.A. : On ne peut pas être Dieu !

Le fils du peintre après avoir témoigné de son admiration pour son père, confirme par son propre parcours de vie cette filiation de l’esprit, cet héritage artistique incontestable qui laisse des traces de talent dans les générations qui se succèdent. Pierre Arditi retourne à son itinéraire d’acteur, conscient que Georges Arditi, le peintre, est toujours un peu là, sur scène, en parti responsable de sa vocation.

 

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